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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 01:06

 

Mes souvenirs de la Verdière sont presque tous ensoleillés, secs et couverts par le bruit des cigales. Tout petits, nous ne sommes que Dorian et moi dans le jardin. Ou alors sur la grande terrasse, au premier étage, avec nos tricycles rouge vif et le soleil qui tape dur sur la brique et les tuiles de la baraque. Devant l'entrée, il y a la grande table circulaire et la piscine (plutôt un bassin) toutes deux recouvertes d'une mosaïque de carreaux de céramique bleue, turquoise, verte et violette.

 

Et partout l'ombre des arbres, émaillée de la lumière que mitraille le soleil du Midi. Des chênes lièges, des chênes verts et le buis forment des haies derrière lesquelles nous crapahutons de plus belle.

 

Par terre, il y a des dalles irrégulières en pierres plates ocres ou blanches.

 

Il y a des glands,

des feuilles mortes

des coquilles de cigales sèches,

tout bruisse quand il y a du vent,

tout pique à quand tu t'y frotte de trop près,

et sous le mistral, les insectes eux-mêmes,

avancent prudemment.

 

De gros cailloux bordent les haies, formant des sentiers bien balisés. Papy nous y trimbale à toute allure dans la brouette, alors que nous rigolons et crions de frayeurs tout à la fois. Dorian et moi avons les joues rebondies (les miennes rougies par l'eczéma), arborons des bouclettes châtain clair (Dorian a une houpette) qui sont glissées sous des bobs absolument informes mais très efficaces contre le soleil implacable du Var.

 

Le jardin est un labyrinthe de sentiers, avec partout des plates bandes bêchées par les grands-parents, quelques buissons de lavande, du thym, des vignes cramées par le soleil, des laurier et, bien sûr, les oliviers. Entre le jardin et la route, une haie plus touffue, infranchissable. Et tout contre la maison, cachant un peu la terrasse au premier étage, trois cyprès plantés à côté de la porte d'entrée de la "Norma".

 

C'est le nom peint sur la boîte aux lettres de la maison. Un peu de la Normandie de Mamy et du Maroc de Papy. La Norma. Trois cyprès donc ; un pour chaque enfant. Maman, tonton Guy et tata Béa les ont plantés là, alors que Béatrice, la benjamine, rentrait tout juste au collège de Barjols.

 

C'était au terme d'un chantier rocambolesque et éprouvant (y compris pour les trois gamins à l'époque). La famille Barthélémy enfin s'installait à La Verdière, une quinzaine d'années après avoir posé la première pierre de ce qui allait devenir le cadre de mes plus beaux souvenirs de vacances.

 

Derrière la maison, inscrites dans le ciment du muret d'un escalier qui mène aux champs en contrebas, il y a les empreintes de 5 mains.

 

Papy, Mamy,

Maman, tonton Guy, Tata Béa.

C'est comme à Hollywood...

the walk of Fame

made in Midi.

Sauf que là, y a le pastis (Pastaga pour les intimes), pas une bagnole à l'horizon et des oliviers à la place des palmiers.

Et du rêve oui ! Pas qu'un peu !

 

En descendant l'escalier, on accède par la droite au garage, où Dorian et mois avons bricolé des dizaines de cerfs-volants, comme d'autres bien des années avant, si l'on en croît les commentaires de Papy. Apparemment Dorian et moi n'avons pas été les premiers apprentis à s'initier au bricolage aéronautique sous la houlette de Guy Barthémémy senior. Les cerfs-volants ne sont d'ailleurs pas la seule illustration de la fascination de Papy pour le vol. Mais en ce qui nous concerne ce fut déjà le prétextes à beaucoup de bricolages, à pas mal de courses éperdues a essayer de faire décoller nos engins.

 

Enthousiastes mais pas forcément très bons bricoleurs, nos projets dépassaient rarement le stade de concepts délirants.  C'était un exercice délicat car il faut prendre en compte le mistral capricieux, courir à reculons, le nez en l'air pour surveiller l'ascension du fragile losange assemblé en suivant les conseils (exigeants) d'un Papy bougon (car il y a le jardin à aller arroser) et veiller à ne pas trébucher sur une vigne desséchée ou un caillou.

 

Les pires obstacles étaient les branches de mûrier épineuses, les aiguilles de pins sèches qui constituent autant d'échardes redoutables et toute une gallerie de plantes urticantes et coupantes. Autant dire qu'on rentrait rarement sans un bobo carabiné. Mais malgré ça, malgré les litres de mercurochrome qui ont imbibé nos égratignures, les innombrables larmes versées et nos injures à chaque fois qu'un cerf-volant se cassait la figure, faire voler, même pendant une courte minute un esquif qu'on avait monté nous même, était un paisir grisant.

 

Sans pareil.

 

Je nous revois encore, à se donner des conseils l'un et à l'autre au sujet du sens du vent, le doigt tout trempé de salive et levé bien haut pour essayer de deviner d'où viendra la prochaine rafale. Et on galopait, à savoir qui parviendrait à soulever le sien le plus longtemps ou le plus haut. Jusqu'à ce que les fils s'emmêlent, ou qu'on trébuche en sentant le vent mollir. Ou bien tout simplement parce qu'on avait atteint le bout du champ.

 

Dorian et moi, on se passionnait pour les bricolages aériens aussi vite qu'on se lassait d'essayer d'en faire voler le produit. Après deux heure à s'escrimer et souvent à s'énerver, le parti le plus sage consistait pour nous à tout laisser tombe (au grand dam de Papy) pour partir en galloper au-delà des limites du jardin.

 

Les murets séparant la Norma des champs alentours étaient à moitié éboulés. La plupart des champs en jachère. Du coup, c'est une campagne mi agricole, mi sauvage qui s'offrait à nos explorations. Et tout territoire vide d'hommes se prête à l'aventure et au rêve. Surtout pour deux frérots qui n'ont jamais eu trop besoin d'exemples pour trouver une bêtise à faire.

 

Combien de cabanes avons nous construit ? Combien de hamacs ont été suspendus à côté de la balancelle qui nous abritait du cagnard durant des siestes certes méritées mais au combien étouffantes?

 

Il faisait si chaud et il y avait tellement mieux à faire à nos yeux ! On finissait cependant par rester allongés et même plutôt de bon gré. C'est pendant la sieste qu'on dévorait des Picsou magazines, des Pif et Paf et des Tom-Tom et Nana. Il y avait quelques BD héritées des lectures d'enfance de Maman, de tonton et tata, voire de la bibliothèque d'étudiant de nos parents (éparpillée aux quatre vents après notre départ en Guyane). Plus tard, de nombreux numéros de Science et Vie, d'Okapi et pas mal de romans sont venus rejoindre la liste de nos lectures de siestes.

 

Les Castor Poche, et la collection Rouge et Or voisinaient avec les impressionnants Rougon-Macquart de la bibliothèque vitrée (jamais ouverts pour ma part). Ils sont venus augmenter la réserve de la Norma, sans cessse nourrie par de régulières vagues de cousins et cousines en vacance. Dans l'étagère vitrée, il y avait aussi le dictionnaire Le Robert auquel on se référait constamment pour trancher les parties de Scrabble. Généralement on y jouait le soir, après avoir mangé à la fraîche, autours de la grande table ronde dont le plateau central, rotatif (!), etait recouvert de feutre vert.

 

Et puis, en fait, on l'avait oublié, mais après le goûter c'était l'heure de faire les devoirs de vacances. C'était le début de longs après-midi, de séances de révision intemporelles, et de pensums interminables. Je ne peux pas dire que je n'aimais pas étudier, bien au contraire. À la longue, ces leçons et ces exercices effectués dans l'air vibrant de Provence sont mêmes une sorte de règle sacrée, une urgence qui conditionnait les jeux de l'après-midi.


Maman et Mamy, tout comme Papy ou Papa à leur manière, ont été des professeurs patients, passionnants et intransigeants. C'était là une façon de plus de jouer, et d'essayer de prouver que pas une tâche ne m'empêcherait d'aller vadrouiller à l'heure qui me plairait.

 

 

Mais après la sieste et les devoirs, à 16h, il y restait encore le goûter, avec les tartines de beurre recouvertes d'une couche de Banania. On buvait du Pulco citron ou bien du Banga.

 

Et enfin, la campagne.


Car quand de juillet on passe à août, le jour tombe de plus en plus vite. Toujours trop vite. Alors il fallait s'appliquer pour finir vite de manger et pouvoir profiter de la fin de journée. Une fois engloutie la tartine, hop dans la piscine !

 

Et puis on a pas le temps de grelotter (les lèvres bleues à se figer dès qu'une guèpe pointe son nez, que l'on veut se sécher pour aller farfouiller sous un caillou. À 18h, à La verdière, chaque rayon de soleil semble inviter à grimper sur un rocher. Les ombre deviennent cavernes, les rocher sont des Baleine et chaque partie de cache-cache dure jusqu'à pas d'heure. 

 

Quand on crapahutait en fin d'après-midi, Dorian et moi, on devenait rois. On inventait tout à partir de rien et on se grisait d'un bout de ferraille trouvé près d'une empreinte de sabot. On s'éloignait, surtout histoire de se faire oublier des parents ! Et on était chasseurs, le temps de traquer quelques insectes comme si c'étaient de grosses bêtes. Avant de nous transformers en Indiens, en Zoulous, ou de faire un virage temporel par la chevalerie, on n'oubliait pas de bien explorer le terrain provencal et ses odeurs. Papy et Mamy nous ont appris au moins ça : reconnaître quelques plantes et marcher là où elles sont moins piquantes.

 

Parfois on partait aussi se ballader avec tout le monde (Papy, Mamy, Maman et Papa, les oncles et tantes quand ils avaient leurs vacances). dans les alentours, vers le moulin, le long des vignes ou en suivant les canaux d'irrigation. On allait parfois voir le Grand Chêne ; il fallait se mettre à trois ou à quatre pour pouvoir enserrer son tronc de nos bras réunis. On en profitait souvent pour aller rendre visite aux amis des grands-parents. Il n'y en avait pas tant que ça : les villageois provençaux ont appelé pendant des années mes grands parents les "doryphores", du nom d'un parasite de la vigne (ou de la pomme de terre). C'est dire l'accueil chaleureux que réservent les locaux aux quelques estrangés  qui s'installent "chez eux". 

 

Ceci dit, 30 ans après s'être installés dans la région, ils s'étaient tout de même liés d'amitié avec quatre ou cinq personnes. Parmi ceux-là, il y avait André et sa femme, par chez qui on passait lorsqu'on voulait aller voir les animaux de la ferme de Madame Bornan, une paysanne septuagénaire (au minimum centenaire à mes yeux de petit garçon imaginatif, au sens de l'exagération proche d'un Tartarin.) Sur la route, c'était à qui trouverait le plus de mûres. On revenait les joues noires, le ventre ballonné, et le lendemain une chiasse d'enfer !

 

En 1991, alors que nous vivions en Guyane depuis un an, la basse cour de Madame Bornan était pour Pierric, cinq ans, et  Dorian, trois ans, le comble de l'exotisme. Il y avait, au milieu des clapets à lapins, des oies et des dindons qui nous effaraient de leurs glouglous et caquètements. Mais surtout ! Parmi les bâtiments du poulailler, derrière le poulailler, se trouvait un enclos formidable, abritant une bête terrible. La vieille fermière, qui tenait pour moi autant de la sorcière que de la magicienne, y abritait un sanglier adulte ! Elle l'avait adopté alors qu'il n'était qu'un marcassin après l'avoir trouvé en forêt au lendemain d'un incendie. La chaleur du sol avait fait fondre ses sabots et il n'aurait pas pu survivre à l'état sauvage, du coup Madame Bornan l'avait recueilli et adopté, sans en faire du saucisson (contrairement sans doute à sa première intention). C'était donc devenu un sanglier "domestique". Ceci dit, il restait terrifiant pour les deux petits garçons apeurés que nous étions. On l'approchait uniquement à pas de loup, dans son dos et encore, à bonne distance. 

 

Même derrière un enclos et privé de sabots, on ne se méfie jamais assez d'un sanglier adulte.

 

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17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 13:30

Bastille, minuit un vendredi.

Foule bavarde, rue paillarde.

Rencontre impromptue.

Souvenirs et perspectives croisés.

Un verre déjà.

 

Bastille, une heure du matin.

Foule opaque.

Bruits de métros qui s'éloignent.

La chanteuse du bar fait deux doigts d'honneur.

Elle est belle, trois verres encore.

 

Bastille deux heures du matin.

Retrouvailles.

À l'aise comme un chrétien dans une arène romaine.

Marie conduit un bus imaginaire.

Pas sûr que les ti-punchs aient étés une bonne idée.

 

Bastille trois heures.

Bar Lounge clinquant.

Je parle à quelques dos que l'on me tourne.

Ils sont plutôt sympas mais je leur préfère les cuisses.

J'adore le Martini.

 

Stalingrad quatre heures.

Ce quartier porte bien son nom.

Retour au point de départ, c'est la Bérézina.

Enfermé dehors à la Bastille.

Quelques pintes pour oublier.

 

Bastille, cinq heures du matin.

Ballet nocturne, avec distance de sécurité.

Quelques sourires difficilement glanés.

Impression d'inutilité.

Rien ne vaut le jus de prune de Cythère.

 

Bastille, six heures.

Son métro file.

Je pars en sens inverse.

La sensation diffuse d'être immobile.

Je bois le calice.

 

Stalingrad, sept heures.

Le printemps a fait ses bagages sans prévenir.

Ils ont rappelé l'hiver en urgence.

Note pour plus tard : garder une paire de gant dans le sac.

Vessie pleine.

 

 

Stalingrad 9h30.

Vacillant mais vaillant.

La bataille fut rude.

La foule glisse comme l'onde sur des écailles.

Ce sera un café bien serré s'il vous plaît.

 

 

Hier soir, ce n'est pas la seine qui était la plus belle. 

Hier soir ce n'était pas la Seine qui était la plus froide.

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12 juin 2009 5 12 /06 /juin /2009 00:32
« El propòsito que lo guiaba no era imposible, aunque sì sobrenatural. Querìa soñar un hombre. Querìa soñarlo con integridad minuciosa e imponerlo a la realidad. »
« Le but qui l’animait n’était pas impossible mais bien surnaturel. Il voulait rêver un homme. Il voulait le rêver intégralement avec minutie et l’imposer à la réalité. »

Jorge Luis Borges, Ficciones.


A l'instar du narrateur des Ruines circulaires, de Borgès, Thierry Acot-Mirande est un démiurge. L'auteur de Temps Gelé et le mystique rêveur de la plus mystique des Ficciones argentines partagent en effet une intense acuité visuelle, un idéal de transparence au profit du récit et surtout une attention minutieuse accordée à la conception de chaque personnage.

Si les Ruines circulaires se referment sur une mise en abîme subtile - le rêveur se devinant rêvé - les textes de Thierry Acot-Mirande, petits fragments d'univers, se transposent pour leur part dans les rêves de ceux qui les lisent. Conformément au texte de Borgès, les personnages imaginés dans ce recueil au titre glacé prennent littéralement corps, mot à mot, lettre après lettre. Une magie presque palpable opère alors, suggérant à celui qui tourne les pages des visions d'une puissance rare, révélant le poète derrière le romancier. Les phrases, la ponctuation, le blanc des marges deviennent subitement écran dès que l’on plonge dans le recueil Temps Gelé.
Par touches successives, Thierry Acot-Mirande mue son lecteur en Deus IN Machina ; il l’emporte au plus profond du Bois Sacré, lui fait humer les délicate fragances de Sable Rouge et le plie en quatre comme un souple contorsionniste. La rétine du lecteur devient l'appareil du Photographe Bleu : en tant que tel elle décèle le moindre éclat de lumière, ses clichés s'animant soudain sous la plume du poète pour flotter ensuite en marge des consciences, un peu comme les fragments de passé immortalisés par les mystérieux "geleurs" qui donnent son titre au livre.
Il y a un ton, une musique et une lumière très reconnaissables dans les textes de Thierry Acot-Mirande, une forme de Spleen qui laisse tout autant place à d'inquiétantes ambiances surnaturelles qu'à des éclats de rire impromptus. Fragments, visions, ambiances, tout dans ces nouvelles ramène à un certain cinéma :
Comment ne pas retrouver dans le l'inquiétant et non moins fascinant 5W Club l'atmosphère décadente du théâtre capitonné de velours rouge de Mulholland Drive ? Comment ne pas penser aux silences de certains personnages de Gus Van Sant lorsque nous sont décrites les vies de protagonistes à la conscience désarticulée comme Spyder ?
Des lumières, des regards et des paysages émanent des textes de cet auteur au regard de cinéaste, avec une force dont on s’étonne qu’elle puisse être suggérée aussi efficacement en si peu de mots.

Que ce soit dans le recueil Temps Gelé ou dans les premières anthologies collectives de Monsieur Toussaint Louverture, les personnages de Thierry Acot-Mirande font désespérément face à leur solitude, s'appliquent à observer toujours et à agir encore selon leurs habitudes, malgré l’échec à trouver une finalité voire un intérêt à leurs actes et à la succession parfois désespérante des jours.
La poésie de Temps Gelé passe essentiellement par la peinture des décors au sein desquels errent ces consciences infirmes, par les descriptions de leurs actes maladroits comme ceux de marionnettes. Thierry Acot-Mirande coupe délibérément les fils qui servent usuellement de guides aux pantins lors des pantomimes de la vie ordinaire. En donnant ainsi l’impression de les affranchir de sa tutelle et en se rendant invisible, l’auteur poète ne donne que mieux à ressentir.
Les éditions Monsieur Toussaint Louverture sont les ruines circulaire du chaman Acot-Mirande, donnant un cadre aux rites qui « imposent à la réalité » les fragment d’existence de chaque nouvelle. Temps Gelé, subtil écrin de papier bleu nuit, composé et agencé selon une technique occulte et savante est donc tout autant un livre qu’un autel mystique. Libre à vous de passer du rêve à la réalité en en osant tourner la première page.
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19 avril 2009 7 19 /04 /avril /2009 11:42
Un ahannement lancinant soulève ma poitrine par saccades
et je gémis entre deux sifflements.
Mes yeux aux vrilles adamantines de lambis tordus, usés
par des vagues salées, clignent, se tordent et
se plissent.

Il fait lumineux. Je perds pied, le mont Sinaï aveuglant
dérape. Et comme je chute à la rencontre  d'un sol où gît
ma crédulité écartelée, je croise,
au fond d'une flaque de mercure
le reflet supplicié d'une hébétude tête bêche.

J'ai toujours ce regard naïf cloué à la face...
depuis toi. Et un sourire douloureux,
demi lune allongée, rangée purpurine dissimulant
un collier de perles à l'écrin gingival.

Après une courbe hésitation, révélant une rangée de perles
douloureuses mes dents voraces
filent à la rencontre du trottoir et je m'élance vers
un sol
ensoleillé dont l'éclat fugace fut bref
au terme de mon ellipse verticale...

Une grimace dans mon dernier rêve me toise hautement
du haut de cils flamboyants et avec le sourire
que j'ai cru voir dernièrement ; accroché à tes lèvres
à l'heure de ton train partant. Le dernier rappel
du contrôleur m'a soufflé du marchepied.

Et l'ordre, est revenu. Immanent.

Pan, dans les dents.
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23 février 2009 1 23 /02 /février /2009 18:36
L'avenue défilait sous mes pas fuyants. Une course perdue d'avance. Je venais de me faire plaquer par un fantasme. Je me sentais comme un fan Guillaume Musso qui aurait vu un clip de Marylin Manson. La fin d'un monde quoi.
Il y avait plus d'espace au creux de ma poitrine qu'entre les dents de Yannick Noah.

Evidemment je n'avais rien vu venir. 

Volontaire et affamé en début de soirée, comme un poux qui sort d'un service de cancérologie je distribuais des sourires carnassiers et des haussements de sourcil ténébreux avec la prodigalité d'un nouveau riche.
Si les incrédules sont ennuyeux, moi je dois être passionnant. Dommage que chaque fois que je m'exprime honnêtement je me sente comme une carie qui vient d'annoncer à ses parents que son petit ami est dentiste. Les moments de solitude forgent le caractère ; à ma façon je suis donc passionné de ferronnerie.
Je garde son dernier regard gravé dans mon crâne, de la même façon qu'un taulard peut difficilement oublier l'image de la porte blindée verrouillée, comme si elle était gravée derrière ses paupières.
Je martelais donc le pavé de mes semelles cloutées, l'humeur plombée et le regard lourd. J'avais la bouche aussi sèche que mes yeux étaient humides. Mauvaise répartition des fluides. 

Les réverbères se succèdent, révélant des façades animées. Je progresse rapidement : quelques kilos d'illusions en moins et tout de suite votre foulée s'allonge.
On est jeudi : les étudiants divaguent, en quête de videurs myopes, ne remarquant ni l'acné ni les dernières dents de lait. Ils s'agitent en grappes hilares, grassement bruyantes, assez mûrs pour sécréter leurs sucs mais trop verts pour exprimer autre chose que des lieux communs.
Après 450 mètres et 53 passants portant une écharpe Burberry je m'engouffrai dans un pub, peu soucieux du déterminisme éthylique. Juste soucieux tout court.

Un avatar de Pascal Obispo auquel on aurait greffé les cheveux de Florent Pagny faisait des blagues à la Bigard à un public aussi critique que la rédaction de Direct Soir. Les reprises de Kyo avaient un franc succès et je pensait de plus en plus à tuer le plus de monde possible avec les 2 cure dents à ma disposition, avant de me faire abattre par l'antigang.En fait c'était une thérapie par le pire. Au moment du limbo, je me suis senti revivre.
 
L'esprit aussi clair que ma pinte de guiness, le verbe haut comme un président sur talonnettes, j'entrepris de regagner mon T2 en évitant les chutes d'ivrognes.   
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23 février 2009 1 23 /02 /février /2009 14:38
L'orchestre, très seventies, entremêla les reefs et le beat avec un choeur de cuivres explosif, suscitant des vagues d'approbation dans la foule. Celle-ci, mouvante, réagissait presque magnétiquement à la voix cassée et légèrement désabusée du chanteur. Un éclat de voix voyait les discussions s'envoler et les visages se tourner vers la scène, certains pieds battant au rythme de la batterie, toute en cymbales, et d'autres esquissant quelques pas lorsqu'une trompette s'embarquait dans un solo à l'allant contagieux. Les notes sèches et vives des trompettistes rythmaient le flux plus doux d'une guitare sèche aux accents jazzy. Un groupe de danseurs et de mélomanes, proches de la scène surexposée, battaient le rythme des mains et des pieds, certains décomposant le rythme furieux en déhanchés et en syncopes. Un noir, le sourire jusqu'au sourcils, esquissa quelques pas sous l'oeil appréciatif de la gent féminine. Le cocktail était un franc succès : les serveurs, tout de blanc vêtus, ne savaient trop où donner de la tête, le champagne coulait à flot. La foule, sur son 31, bourdonnait et transpirait à l'unisson, dans une communion à la fois éthylique et passionnelle. Poignées de mains, éclats de rire, fragments de discussions, bouts de regards, les relations se nouent et se dénouent sans que jamais ne s'interrompe le brouhaha... Un homme s'avança dans la mêlée, semblant s'ouvrir un passage aussi aisément que s'il avait été à cheval. C'était le genre d'homme qui fait tourner la tête, inspirant respect aux uns et désir aux autres. Dos droit, tête haute, mise sobre mais élégante, tout en lui respirait l'assurance désinvolte de ceux qui, naturellement, dégagent assez de charisme pour s'habiller sobrement et plaire néanmoins.  
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11 février 2009 3 11 /02 /février /2009 14:40
j'ai croisé un unijambiste faisant la toupie sur des talons aiguilles,
en me baladant dans le quartier des ébauches décevantes
de la ville des décharges merveilleuses et des hospices paliatifs,
au royaume pas très net des borgnes myopes et non loin
de la République des jouets cassés où paissent benoîtement
des moutons noirs à 5 pattes, dans les champs de personne
ou gîsent, abandonnées, des babioles rouillées en fer blanc
mais en fait rouge (car rouillé... faut suivre).

La rue était un dépotoir plein à craquer de poupées sans têtes
et de frigos caniculaires, de ressorts droits comme des i
et de rebuts aux défauts de fabrications aussi nombreux
que dans les cauchemars d'un industriel suisse allemand.
On pouvait y  croiser des chevaux à trois pattes, des nains
à la barbe rasée ou encore des aveugles sans leur canne
se repérant bruyamment en appostrophant le bric-à-brac
environnant pour s'y repérer comme des chauves souris
de laboratoire et donc albinos mais aux yeux vert.

Une musique atonale, hachée et elliptique, rythmait comme
par à coups ce paysage aux allures de cour des miracles,
tenant à la fois du jazz expérimental et de la douce mélopée
d'un charmeur de serpent qui aurait une flûte au bec ébréchée
alors qu'il à l'habitude des traversières brillantes et mal limées
dont le son guttural rend fou tous les reptiles, leur mettant
le rythme dans la peau, à tel point qu'on dirait qu'ils ont,
en l'écoutant, le sang chaud...

Ici, en cette terre de bras rompus et de béquilles branlantes
les artistes foisonnent, sculptant des chaises roulantes,
inventant des système G pour égayer les visions des aveugles
ou pour faire danser les sourds muets. On peut entendre
la musique sous forme de vibrations, vérifiant l'adage qui veut
que lorsque courir s'avère impossible, il est bien plus facile
 de s'envoler...
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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 17:39
Il n'y a rien de plus beau
qu'une femme vue de dos.
Une apparition hypothétique
aiguille l'oeil comme un amant.
Celui du passant en goguette
à travers rues.
Son abse,ce, son ignorance de
cette discrète observation
par devers,
donne à l'étude des airs
de voyeurisme coupable.
Sous cet aiguillon pervers
et grâce à cette liberté,
tant pour lui que pour elle;
naturelle et pure de toute
altération aux visées
séductrices ou méprisantes
vis à vis de son admirateur.
Instant capturé, observation
in situ, sans perturbation
du milieu.
L'espèce observée est inconnue,
fascinante et altière.

Un nimbe de cheveux bouclés
s'échappe de son bonnet
de laine écrue aux mailles épaisses.
Deux longes se déroulent
dans le prolongement des oreillettes
du couvre chef, filant le long
des épaules avec leur suite
de mèches rebelles, indisciplinées.
Ce ruissellement compose
une aura à des épaules fines,
enveloppées dans un manteau
blanc cassé, à la mode.
De dos, seules la ligne
interrogativement arquée d'un sourcil
et la courbe veloutée d'une joue
s'offrent aux regards.
Hormis ces fugitives perspectives
ne sont dévoilées qu'une ligne de hanches,
une taille resserrée par la ceinture
du manteau et, jaillissant comme
le lapin d'un magicien de la bande
étroite d'une courte jupe plissée,
d'interminables jambes potelées,
délicatement fuselées dans un collant ambré
et enfouies dans des bottes de daim.
Le creux du genou de la jambe croisée
vaut à l'ingénue un sillage de mines
rêveuses et les regards courroucés
des vieilles en bas de contention qui vont
devoir augmenter la rasade de calmants
de leurs époux à qui cette vision a dispensé
l'illusion et la fragance oubliées de leurs 20 ans.
Las ! Le dos est droit, la fille muette,
insensible aux mouches à miel
empêtrées dans les rêts de ses collants.
silencieuse, amusée, concentrée,
la demoiselle se livre à un amant de papier
et tourne les pages de son roman.
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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 17:23
Un courant d'air
balaie mes sentiments
brisés
et les disperse
aux quatre vents,
épars.
J'ai perdu d'un mot
ma vision fugace.
J'ai l'impression
qu'on marche sur mon dos
avec des talons hauts
et beaucoup de grâce.
Je chuchotte des mots doux
amers
à une bouche d'égoût
qui grimace.
Mon humeur volatile
file dans le caniveau
boueux
et trouve refuge au creux d'une ruelle
obscure.
Je suis invisible
pour les passants,
du cellophane
transparent, léger, brillant
balloté par la circulation
embouteillée.
Je m'écarte d'une façade aveugle,
sous le regard bovin de sa porte.
Je laisse couler mes yeux
le long des silhouettes indécises
qui m'entourent.
Mes cils se soudent
et le bruit m'environne
brutalement.
De toute façon il pleut :
qu'importe si l'eau
est céleste ou salée.
Cumulonimbus agité
je roule sur le flanc
d'un anticyclone ombrageux.
Mon front bombé et
pourtant dépressionnaire
se penche vers le sol
pour éviter de voir
tous les autres
et dans leurs yeux
dans tout passant,
dans tout mouvement,
dans tout objet,
un éclat de toi.

Je dois emprunter en silence,
le chemin d'un oubli imposé.
M'aventurer sur une ruelle et courir
sans songer que c'est
un impasse.
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15 décembre 2008 1 15 /12 /décembre /2008 20:24
le vent du pôle souffle et fait la bise au pèlerin solitaire, sur cette route du grand nord peu fréquentée qu'encore il doit parcourir sur bien des lieues avant de trouver le repos.

La neige recouvre la plaine d'un linceul glacé, fatiguant le regard du voyageur opiniâtre et égarant jusqu'au corbeaux faméliques qui survolent ce paysage désert et désolé.

Il y a de cela 2 semaines qu'il n'a rencontré âme qui vive, traçant sa route en silence au milieu des congères et des vestiges de temps oubliés, sombre tombeaux ou temples païens.

La cape de feutre élimé qui recouvre son maigre baluchon se fond presque complètement dans le gris du sentier caillouteux qui cahote le long d'un vallon tantôt escarpé tantôt doucement arrondi.

Ses bottes s'enfoncent difficilement dans le mélanges crasseux de boue gelée et de neige fondue qui recouvre la rocaille du chemin de montagne, sa badine, à l'occasion, fait office de canne.

Hormis les sifflement de forge de l'Aquilon impétueux, aucun bruit ne trouble les journées du voyageur, si ce n'est le roulis guttural de quelque cascade cachée, ou l'éclat d'un éboulis terreux.

Les terriers des prédateurs comme des proies, abandonnés de longue date, lui servent d'abri de fortune et remplacent les froides cavernes, tristes conforts de feuilles sèches au milieu de nulle part...

Le royaume des glaces étend son empire sur la terre, sur le moindre ruisseaux et jusqu'au nuages qui délivrent leur grêle et leurs brumes sans discontinuer, tandis qu'il glisse en avant.

Seul le frottis de son briquet de silex interrompt une fois par jour le cycle du gel, libérant l'étincelle d'espoir et de chaleur nécessaire à la lente progression du prêtre banni par ses pairs.

Ce carburant précieux, flamme rouge aux tréfonds des cavernes, flammèche vacillante sur les plateaux battus par la pluie acérée, réchauffe ses doigts gourds, ranime ses membres lourds.

Le feu réveille ses yeux sourds, plissés qu'ils sont sous l'affront de la lumière de mars, réfractée par les cimes, par les nuées immaculées et hostiles, montagnes menaçantes au manteau nébuleux.

Un foyer, trois pierres rougies et noircies, quelques grains de riz et la neige fondue, c'est à cela que se résumait sa pause prandiale, son havre au milieu du jour et de l'effort.

Une poignée de fruits secs et les restes de quelque animal congelé venaient parfois étayer son menu, à la nuit tombée, quand l'éclat du tueur d'Icare s'effaçait pour laisser place à une pâle lune rousse.

Il n'était pas attendu, il n'était pas désiré, pas plus qu'il n'avait été chassé du cloître de Brann Bergen ; en silence il avait pris acte de l'affront, accusé le coup et enfilé sa pèlerine.

Nul n'aurait pu le retenir, ni obtenir de lui un son, qui se mettrait en travers du chemin d'un exilé ? Vers quel port d'attache renvoyer un orphelin ?

  
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